19 Octobre 2021
Les pérégrinations d’un relieur bibliophile l’amènent parfois à découvrir des livres exceptionnels par leur provenance. Il en est ainsi de cet exemplaire de la deuxième édition de "L’imprimeur-Typographe" écrit par P. Lhuillier.
Ce livre destiné aux professionnels de l’imprimerie, édité chez Léon Eyrolles, cache une histoire plus littéraire qu’il pourrait y paraître.
Cet article est rédigé par Vincent Bottasso-Daideri
(Membre de l'Association "Le Livre Unique")
qui a également réalisé la reliure de l'ouvrage présenté.
Publié par Philippe.
En effet, la dédicace de l’auteur est adressée à nul autre écrivain que l’auteur de La Jument Verte. Mais peut-être est-ce nécessaire de dresser rapidement le portrait de Marcel Aymé (on trouvera aisément sa biographie ainsi que sa bibliographie sur le site de la Société des Amis de Marcel Aymé dont les informations suivantes sont issues).
Né en 1902 et mort en 1967, il publie son premier roman, "Brûlebois", en 1926.
Bien qu’il reçoive le prix Renaudot en 1929 pour La "Table-aux-crevés", il reste relativement peu connu du grand public. C’est en réalité la publication de "La Jument Verte" en 1933 qui lui assure la gloire (et les critiques) mais aussi le statut d’écrivain à part entière, celui-ci se vouant alors entièrement à l’écriture.
Durant la guerre, il écrit et publie de nombreux romans dans les journaux littéraires qui peuvent encore être imprimés. C’est ici que l’histoire de notre exemplaire de "L’imprimeur-Typographe" rencontre celle de l’écrivain : "À Marcel Aymé, si vos bouquins me font veiller le mien vous fera roupiller Lhuillier 1/1/43".
Il est amusant de trouver dans cette dédicace l’autodérision dont fait preuve P. Lhuillier par rapport à son propre ouvrage, imitant par-là l’humour grinçant de Marcel Aymé.
La reliure :
(En cliquant sur le nom vous arrivez directement sur l'explication)
S’inscrivant dans la lignée des reliures parlantes du XXème siècle, elle est réalisée en Buffle galuchat bleu clair dans lequel sont inclus d’anciens clichés d’imprimerie (peints par soucis de contraste).
Les gardes à charnières, sont réalisées en moire bleue claire entourées d’un liseré de similicuir rouge.
Le titre est réalisé au carbone avec des caractères dépareillés intentionnellement.
Lexique :
Reliures Parlantes : si pendant longtemps les relieurs ont habillé les livres sans se soucier de ce qu’ils contenaient, à la fin du XIXème siècle et au début du XXème certains relieurs vont commencer à décorer les reliures en fonction du thème traité dans le livre. Ainsi la reliure « raconte » ce que contient le livre, d’où la qualification de reliure parlante.
Grain galuchat : selon l’animal dont est issu le cuir, celui-ci peut être lisse ou présenter un aspect granulé à sa surface. Le grain galuchat, du nom de son inventeur, fut originellement obtenu par le tannage spécifique d’un cuir de poisson. Etant donné les petites surfaces obtenues ainsi, ce cuir était utilisé pour habiller les étuis précieux et certaines pièces d’ébénisterie. Le grain galuchat se distingue des autres grains par la petitesse de ses motifs et la régularité de ceux-ci. De nos jours, certains cuirs de buffles sont imprimés avec des motifs qui reproduisent le grain du galuchat.
Clichés d’imprimerie : en imprimerie les clichés, souvent réalisés en cuivre ou en nickel, sont des plaques gravées qui permettaient de reproduire et imprimer des dessins, gravures ou photos. Ils étaient généralement montés sur des morceaux de bois, ce qui permettait de les mettre à la même hauteur que les caractères de texte.
Gardes : désigne les premières pages d’un livre relié qui font la jonction entre le livre et la reliure. Elles sont généralement constituées d’une feuille de papier pliée en deux, mais elles peuvent aussi être réalisées en divers matériaux.
Charnières : sur les reliures de luxe, les gardes sont renforcées par une pièce de cuir qui joue le rôle de charnières, ce qui les rend plus résistantes et esthétiques.
Moire : tissu au motif caractéristique, similaire à des petites vagues. Il est généralement employé dans la réalisation de reliures luxueuses.
Liseré : bande de cuir ou de similicuir parfois apposé sur les plats d’une reliure.
Carbone : La dorure d’un titre au carbone consiste à faire chauffer un outil (dit composteur) dans lequel est composé le titre du livre et de l’appliquer ensuite sur une feuille de carbone, qui encre les caractères, puis de l’apposer sur la reliure.
Vincent Bottasso-Daideri
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